LES CALEPINS D'OZIAS "Thiep"

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Thiep

 


Thiep rouge avec une tranche de poisson monumentale, comme sortie du vieil homme et la mer. Un jus de gingembre pour escorter ce massacre. Me voilà perché comme dans un désert, à la Le Clézio. Ce thiep est déjà un véritable orgasme oculaire, et je salive comme une fille se sent mouiller. Un aménagement de couleurs, de formes et de textures. J’en ai la langue en érection.

Une coupole de riz aux grains athlétiques surplombait le plat. Mais pour moi, ce riz n’est qu’un prétexte. C’est plutôt cette robuste tranche de poisson accoudée à la bordure de l’assiette qui domine le spectacle. Protéines disciplinées arrachées aux entrailles de la mer et livrées à mes papilles en chaleur.

- Mange Ishaq !

Bruno m’a tiré de mes fantasmes. Assaut frontal. Mission radicale. Seuls quelques arrêtes échapperont au déluge de feu. Jus de gingembre dégoupillé comme une grenade, juste à temps pour éteindre une bouchée djihadiste.

Mon assiette est nette. Comme une plage vide de visiteurs. Bruno sourit. C’est le contraire qui m’aurait surpris. Il sourit comme je fronce les sourcils, comme pour recentrer sa conscience d’exister. Je vous reparlerai de Bruno. Un gars vrai comme pas deux. La loyauté faite homme, la fidélité d’âme par excellence.

Il avait flingué son plat bien avant moi, et saigné deux flacons de jus de baobab. Il ne rigole pas avec la bouffe. Son profil en atteste. Je ne l’ai jamais vu perdre un gramme. Toujours rond sous toutes les coutures. Jamais trop non plus. Un gros qui se maintient au même poids, qu’il avale un éléphant ou juste quelques arachides.

Moi, ma dépendance à la nicotine venait de me mettre un coup de pression. Il faut que je nuise gravement à ma santé. J’embarque Bruno avec moi vers l’extérieur. La partie jardin. Le soleil s’étirait de tout son long. Comme par réflexe, nous avions tous les deux arboré nos lunettes de soleil réglementaires.

Bruno ne fume pas. Il boit peu. Mais il mange, il travaille, il baise et il aime les gens. Ses gens. Alors il sirote une eau en bouteille et moi un soto VIP en fumant une horrible cigarette coréenne. Putain, mon suicide différé dure depuis un sacré bout de temps.

Les âmes conversent avec les origines et ceux qui portent la marque sont des espions malgré eux, impliqués dans des interactions et des interférences subliminales parfois brutales.

À suivre

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