LES CALEPINS D'OZIAS "Je la connais"

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Je la connais




L’hôtel était d’un chic standard. Les volumes du hall, les tons des murs, le professionnalisme du personnel, tout était au standard international. Sauf cette silhouette que j’entrevois de dos.

- La conférence aura lieu dans la salle Béhanzin, me dit Bruno, mon équipier de choc. Kemi Seba est au 3ème étage je crois. Il fera une présentation sur les Forces spéciales des Etats Unis d’Afrique. Nathalie est au même étage, elle va développer le thème de la monnaie unique.
- Ok. Moi j’ai quelques lignes sur mon thème. Je vais improviser le reste.
- Improviser ? Tu rigoles, on a échangé sur ton topo depuis 7 semaines. Tu as 20 pages bien dosées !
- Oui, je sais. Mais je dois m’ajuster au moment.
- Chambre 106. Je t’ai fait monter deux costumes et des chaussures. Si tu as besoin d’autre chose tu me dis. Sonia bosse ici, tu peux l’appeler si tu as un souci. Moi je dois gérer d’autres détails. Je t’appelle tout à l’heure.

Minutieux comme un artificier, détendu comme un bouddha. C’est tout Bruno ça. L’air de ne rien faire d’important, il pilote 50 000 projets à la fois. Tout mon contraire.

Mais voilà ! La silhouette, c’est la fille de l’avion. Elle me dépasse calmement, les yeux rivés sur son téléphone. Elle fait exprès ou quoi ?

Ma chambre est vaste, soignée et diablement bien rangée. Les costumes sont affalés sur le lit, avec les chaussures neuves, toujours dans leur boite. J’ouvre la fenêtre. J’ai même un balcon et la plage à portée de vue. Je m’assieds et allume une clope. Elle est horrible. Le vent est tiède et la mer calme.

Je connais cette fille. Une artiste que j’ai côtoyée. D’assez près d’ailleurs. Il y a des pêcheurs au loin, qui récoltent du poisson à l’ancienne. Au rythme des vagues et du vent. Ce décor mériterait bien une photo pour Instagram, mais je suis assez rare sur ce réseau. Trop loin de mon univers.

Moi je deale avec des pulsations rétives et des angoisses muettes. Des instants qui n’en finissent pas de passer et des équations insolubles dans une vie normale. Je négocie des imaginaires comme un trader mythomane, pour les revendre à des ouvrages ou des beats. Je pars en éclaireur vers l’horizon, sans certitudes autres que je suis un enfant de la lumière. Un sacrifice vivant.

Mais j’en suis certain, cette fille, je la connais.

A suivre

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