Conversation entre moustiques – part3

 

Pas tout à fait remis de ses déboires de la veille, notre moustique déprime la trompe en berne. Juché sur le rebord d’une poubelle, il a une mine des mauvais jours. Des restes de sachets de Tombo lui servent de cave à vin. Il a perdu l’appétit, même devant des orteils velus de libanais, et se contente de somnoler en titubant.

Son gars sûr débarque :

     - Alors, enfoiré, on dit quoi ?

     -          Mon frère, les chinois ce n’est plus trop ma came. Tout est frelaté chez eux. D’ailleurs c’est mieux de consommer local. Au pire je vais me contenter des libanais. Une ou deux fois par semaine je me planque dans la boutique climatisée. J’attends qu’ils fassent une petite sieste et je leur prends deux grammes de sang bien riche. Tu me connais, je ne suis pas trop gourmand.

     -          Toi tu as toujours eu des goûts de luxe. Moi je reste sur le régime de base, de l’humanoïde négroïde subsaharien. De préférence en zones marécageuses. De temps en temps je me fais du peuhl, mais uniquement en saison sèche.

-          Mais avec le changement climatique on ne sait plus qui est qui. L’autre jour je guettais un nourrisson dans la chambre de bonne, tu sais, vers l’aéroport chez les clair clair là. Eh ben je suis tombé sur un allemand bien gras, il puait le déodorant. Tu aurais fait quoi ? J’ai laissé tomber la domestique togolaise pour déguster de l’exotique.

 -          Toi et tes plans bizarres on ne …

 -          Putain mais c’est qui celle-là ?

 -          Qui ça ?

 -          Mate, la métisse fraîche là-bas !

 -          Oh … mon gars, reste concentré. C’est une go transgénique. Elle vient de Louisiane.

 -          C’est au Sénégal ?

 -          Elle vient des States connard. Elle a voyagé en cargo. Aucun insecticide ne lui fait plus rien. Une accro de chirurgie esthétique, elle va te ruiner.

 -          Mec, on ne vit qu’une fois.

 -          Arrête un peu mon frère. Reste con-cen-tré ! Celle-là ne bouffe pas du maçon sur chantier hein, ni de l’agriculteur immunisé en plein champ ou dans une case sommaire. Tu n’as pas les reins solides pour gérer ça, calme-toi !

 -          Mon frère regarde ma vie. Les chinois ont gazé ma fiancée, ma famille a été décimée par des recrues dans les dortoirs au camp. Je n’en ai plus rien à foutre. Et puis je suis sûr qu’elle est venue avec des humains, des américains. Hamburgers, hotdogs, donuts, ils doivent avoir un sang bien épicé. Mon frère, je t’aime bien mais … je crois que je vais la suivre.

 -          Ils sont tous venus pour les championnats d’athlétisme. Les américains, les jamaïcains, les russes et tout ça.

 -          Des russes ?

 -          Oui … des russes. Quoi ?

 -          Cite-moi un seul repas russe. Aucun d’entre nous n’a jamais bouffé russe. Ça ne te tente pas ?

 -          Moi, le sang local à base de pâte de mais, de haricots à l’huile rouge, de riz, de manioc, de légumes et de fruits, ça me convient déjà.

 -          Mec soit un peu ambitieux quand même. Ce sont des mecs comme toi qui ratent les formations en ligne sur le e-commerce, le trading et les bitcoins. Il faut prendre des risques man !

 -          Mec … tu as visité combien de sachets de Tombo aujourd’hui ? Tu commences à délirer grave. Moi je vais faire une sieste et dès qu’il fera nuit noire, direction les jardins du Novotel. Il va y avoir de l’athlète au menu.

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